Jacqueline Jencquel sur le plateau de BFMTV le 23 juin 2020. – Capture d’écran BFMTV
La septuagénaire s’était fait connaître du grand public à l’été 2018, quand elle avait annoncé vouloir mourir bien que ne souffrant d’aucune maladie la condamnant. Elle s’est finalement suicidée à Paris fin mars.
Elle aimait rappeler qu’elle militait pour l’Interruption Volontaire de Vieillesse. Jacqueline Jencquel, figure médiatique défendant la légalisation du suicide assisté en France, s’est donné la mort fin mars à l’âge de 78 ans. Dans le dernier billet du blog qu’elle tenait sur le site du quotidien suisse Le Temps, elle indiquait qu’elle s’apprêtait à mourir seule chez elle, et non en Suisse, pays où le suicide assisté est légal, comme elle l’avait prévu.
« Je n’ai pas eu envie de m’exiler pour mourir, et j’ai la chance de pouvoir choisir car j’ai le bon produit. Pourquoi? J’y ai pensé en amont, c’est tout », peut-on lire dans cette publication mise en ligne le 29 mars, où elle regrettait amèrement l’absence d’un dispositif permettant de choisir sa fin de vie dans l’Hexagone.
Le grand public l’avait découvert à la fin de l’été 2018. Elle avait donné plusieurs entretiens à des médias comme Konbini et Brut, où elle indiquait vouloir mettre fin à ses jours en janvier 2020. « Il faut bien fixer une date à un moment ou à un autre », disait-elle. Elle ne souffrait d’aucune pathologie la condamnant, mais son dossier médical était suffisamment étayé pour qu’elle puisse mourir selon la loi suisse.
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Ce qui motivait son choix? La peur de devenir dépendante. S’imaginer dans un Ehpad lui faisait horreur. « Je n’ai pas mis des enfants au monde pour les faire chier », expliquait-elle. Pleine d’humour et d’autodérision, elle ajoutait sur Konbini ne pas avoir « envie de faire l’amour avec un mec qui a un bide énorme ».
Finalement, elle ne mettra pas fin à ses jours en janvier 2020, ce qui fera dire à ses détracteurs que ses nombreuses apparitions médiatiques n’étaient qu’une opération de communication. Invitée sur le plateau de BFMTV en juin 2020, elle justifiait ce retard pris avec la mort: « j’attends encore la naissance d’un petit-fils ».
Dans son dernier billet de blog, on apprend que ce dernier est finalement né. « J’aurais pu le faire il y a deux ans, comme prévu. Mais la naissance de mon petit-fils le jour de mon anniversaire a été comme un moment volé au destin ».
Militante au sein de l’ADMD
Jacqueline Jencquel est née en 1943 à Tien-Tsien, en Chine. Ses parents étaient russes, son père avocat, comme on l’apprend dans le portrait que lui a consacré Libération. Après des études à la Sorbonne, elle devient professeure de français et d’anglais. Elle épouse ensuite un homme d’affaires allemand, déménage à Caracas… « J’ai tout fait, j’ai voyagé dans le monde entier, j’ai fait trois garçons », rappelait-elle dans les colonnes du quotidien.
Cultivée et bourgeoise, elle résidait dans un appartement situé rue du Bac, dans le très huppé sixième arrondissement parisien, et aimait ponctuer ses interventions de citations littéraires. La pandémie de Covid-19 avait remis en perspective ses rapports avec ses proches.
« Nous n’avons pas une vie de famille très proche. Aujourd’hui, dans le monde actuel, les gens habitent où ils peuvent pour gagner leur vie. Après le Covid, qu’est-ce que ça change que je sois là ou pas? », s’était-elle interrogée sur le plateau de BFMTV.
Plus récemment, elle s’était penchée sur la guerre en Ukraine sur son blog. « Je n‘ai plus envie de parler de moi car que valent les atermoiements d‘une vieille bourge privilégiée par rapport aux femmes et aux enfants obligés de fuir leur pays? La mort est là, elle est palpable », disait-elle.
Emmanuel Macron pour un modèle à la belge
Finalement, Jacqueline Jencquel aura mis fin à ses jours sans avoir vu la cause pour laquelle elle a longtemps milité au sein de l’Association pour le droit de mourir dans la dignité (ADMD) devenir légale en France.
Actuellement, dans l’Hexagone, c’est la loi Claeys-Léonetti de 2016 qui encadre la fin de vie des personnes gravement malades, autorisant notamment le droit à la sédation profonde et continue jusqu’au décès lorsque le pronostic vital est engagé à court terme. En avril dernier, une loi ouvrant un droit à une « assistance médicalisée active à mourir » avait bien été discutée à l’Assemblée nationale. Mais n’avait pas pu être votée du fait de l’obstruction parlementaire provoquée par cinq députés Les Républicains, qui avaient déposé 2300 amendements.
Emmanuel Macron, lors de la présentation de son programme le 17 mars, s’était dit favorable à une « convention citoyenne » pour trancher le débat sur la fin de vie. Et comme l’a révélé Europe 1, lors de son déplacement à Fouras (Charente-Maritime) le 31 mars, le président-candidat s’est dit personnellement « favorable à ce que l’on évolue vers le modèle belge », caractérisé par la dépénalisation de l’euthanasie. À la différence du suicide assisté, où la personne qui souhaite mourir déclenche sa mort, c’est le médecin qui a la charge de mettre fin aux jours du patient lors d’une euthanasie.
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À Libération en 2020, Jacqueline Jencquel rappelait: « je n’ai aucune envie de crever! Au même titre qu’une femme qui avorte ne le fait jamais de gaieté de cœur. Je voudrais qu’un choix existe ».
Source :
« BFMTV » Jules Fresard – 04.04.22