MÉLANIE NOËL
La Tribune
La vie de Luc Marcotte a changé le 4 juin 2018. Conjoint aimant et père de trois enfants, l’homme de 48 ans était très actif dans sa vie professionnelle et personnelle. Mais un accident vasculaire cérébral (AVC), le laissant avec des troubles d’équilibre, de motricité fine, de vue et surtout de déglutition, a tout bouleversé.
Après avoir tout tenté pour améliorer sa condition, il a voulu que ça cesse. Plutôt que de mettre fin à ses jours, il a choisi l’aide médicale à mourir qui lui a permis de partir paisiblement et de faire le don de ses organes. Offrir une meilleure qualité de vie à autrui a été une grande consolation pour celui qui n’en avait plus.
« Il n’y a pas de plus grand don que celui-là et c’est tout à son honneur d’avoir voulu sauver d’autres vies. Nous sommes tous très fiers qu’il ait pensé à faire ça, car l’idée est venue de lui alors que personne ne lui avait demandé ou suggéré », souligne sa conjointe, Céline Moreau, ajoutant que Luc Marcotte est le premier patient du Centre hospitalier de Drummondville qui ait demandé l’aide médicale à mourir sans être en fin de vie.
« Depuis son AVC, il était catégorique qu’il ne voulait pas vivre s’il ne pouvait pas boire ni manger et s’il était pris pour s’étouffer toute sa vie. Il avait beaucoup d’attentes envers les différentes démarches médicales et opérations entreprises pour améliorer sa condition, mais malgré les interventions et les exercices, la dysphagie est restée », raconte Mme Moreau.
Au printemps 2021, malgré les recommandations des médecins, Luc Marcotte a recommencé à manger un peu. « Mais cela menait chaque jour à des séances d’étouffements, de vomissement et de découragement. Parfois, il était si fatigué qu’il n’avait même plus la force de tousser. Cette condition était permanente, nous en avons eu la confirmation. »
Partir dans l’amour et la générosité
L’été passé, Luc Marcotte avait décidé de se suicider. Il avait commencé à faire des plans et faire ses adieux à sa famille. « Nous avons tous essayé de le convaincre de ne pas faire l’irréparable, et tenter de le raisonner en lui disant que ce n’était pas une belle façon de partir. Alors, même s’il était certain qu’il n’avait pas droit à l’aide médicale à mourir, il a décidé d’en parler au médecin. Un peu avant la date ultime qu’il s’était fixée pour partir, il a eu un retour d’appel du médecin que la loi avait changé depuis mars 2021 et qu’il pouvait faire les démarches. Comme il n’était pas en fin de vie, c’était un processus beaucoup plus long, mais le médecin l’a convaincu d’attendre la réponse avant de s’enlever la vie par lui-même », se souvient sa conjointe.
« Depuis l’été passé, nous avons tous essayé de le faire changer d’idée, moi la première et à plusieurs reprises. Il m’a demandé souvent d’arrêter de le faire changer d’idée et de le respecter. Sa famille aussi a essayé, chacun son tour, de toutes les façons différentes. »
« Avec de l’aide, j’ai fini par comprendre que mon rôle n’était plus de le faire changer d’idée, mais de le soutenir et de l’accompagner dans ses démarches. C’est déjà assez dur de prendre une décision comme ça, de faire face à l’inconnu. Ce dont il avait besoin, c’est de l’amour et du réconfort, car lui aussi s’apprêtait à perdre toute sa famille. »
La liste de choses à faire
Luc Marcotte a appris le 1er décembre dernier qu’il était admissible à l’aide médicale à mourir. Sa famille et lui ont convenu de célébrer ensemble, un dernier temps des Fêtes, en laissant le sujet de côté pour mieux profiter. Luc Marcotte avait choisi de partir le jour de son anniversaire, soit le 23 juin. Mais sa souffrance était rendue insupportable, alors il a devancé la date, tout en s’assurant qu’il aurait le temps de vivre un dernier temps des sucres, moment de l’année qu’il chérissait. Il a aussi pris le temps de faire de la motoneige. Et de faire la tournée de ceux qui l’aimaient.
« L’été dernier, j’ai assisté aux funérailles de mon cousin et, en écoutant tous les beaux témoignages, j’ai pensé que c’était dommage qu’il ne puisse pas les entendre. C’est pour cette raison que j’ai pensé offrir aux membres de sa famille et à ses amis une dernière rencontre avec Luc. Je leur ai demandé de penser à un souvenir heureux ou une anecdote cocasse qu’ils aimeraient raconter à Luc. Je savais que les rencontres seraient forcément tristes, mais je ne voulais pas qu’elles soient juste tristes, je voulais aussi que Luc profite du beau et qu’il se sente aimé. »
Après avoir fait la batterie de tests lui permettant de faire don de ses organes, Luc Marcotte était prêt.
« Je ne veux pas mourir, mais je ne veux plus vivre comme ça. »
Il en était convaincu. Quatorze de ses proches l’entouraient d’amour lors du grand moment.
La famille a eu la confirmation qu’un de ses reins et son foie avaient été transplantés avec succès.
Comme Luc Marcotte l’avait fait la veille avec sa famille, ses proches ont porté un toast avec de l’eau d’érable en l’honneur de celui qui est parti en sauvant des vies.
Source :
« La Tribune – Mélanie Noël – 16.04.22