CHRONIQUE / Le projet de loi sur l’élargissement de l’aide médicale à mourir n’a toujours pas été présenté à l’Assemblée nationale. Le ministre Christian Dubé assure ces jours-ci que cela sera fait incessamment. Il pense même qu’il pourrait être adopté d’ici la fin de la session parlementaire, le 10 juin.
Cet élargissement a beau recueillir un fort appui dans la population, faire l’objet d’un consensus au parlement, être nécessaire pour compléter la loi actuelle, il faut absolument dire une chose aujourd’hui : pas de précipitation! On ne doit pas expédier une telle affaire en deux temps trois mouvements.
Au mieux, à l’heure actuelle, le ministre Dubé ne pourra présenter son projet de loi que le 25 mai (l’Assemblée nationale ne siège pas ces jours-ci). Or, combien de jours de travaux parlementaires restera-t-il à ce moment-là? Dix, pas plus (en comptant la date du 25).
C’est vrai que tout est possible en parlementarisme quand les élus le veulent, mais il ne faut pas exagérer. Ce projet de loi, personne ne l’a encore vu.
On sait ce qu’il doit contenir, mais, après, il faudra analyser son libellé, éplucher ses différents articles. Dix jours, c’est court au regard du temps généralement requis pour passer à travers le processus d’étude d’un projet de loi.
Pour mémoire, la commission « transpartisane» sur l’évolution de la Loi concernant les soins de fin de vie a proposé en décembre de permettre aux personnes atteintes de maladies neurocognitives dégénératives, comme la maladie d’Alzheimer, de présenter une «demande anticipée» d’aide médicale à mourir. C’est cet objectif que l’on retrouvera dans l’attendu projet de loi de Christian Dubé.
Moins que « minuit moins une»
Le 10 juin, ce sera non seulement la fin de la présente session parlementaire, mais celle de l’actuelle législature. Des élections générales se dérouleront d’ici à ce que de nouveaux députés et ceux réélus reviennent siéger.
Tout ça, c’est du temps qui s’écoulera, c’est vrai. Mais rien n’empêchera de reprendre le projet de loi à l’étape où il aura été laissé et faire en sorte qu’il soit adopté quelque part l’automne prochain.
C’est ce qui s’était produit avec l’actuelle loi sur l’aide médicale à mourir. En 2014, en déclenchant des élections générales prématurément, le gouvernement de Pauline Marois n’avait pas mené le projet jusqu’au bout. Le gouvernement de Philippe Couillard l’avait cependant fait rapidement adopter après son arrivée au pouvoir.
Au début du mois, les partis d’opposition ont pressé le gouvernement Legault de présenter son projet de loi sur l’élargissement de l’aide médicale à mourir. À ce moment-là, la péquiste Véronique Hivon notait qu’« on peut y arriver, mais qu’il est vraiment minuit moins une». Or, c’était le 5 mai qu’elle disait cela.
Et l’on sait maintenant que cette proposition législative ne pourra être présentée, répétons-le, avant le 25 mai. Ce sont bien des jours perdus.
Le ministre Dubé a beau dire et redire ces jours-ci qu’il présentera son projet de loi sous peu et que celui-ci pourrait être adopté avant la fin de la législature, il n’en demeure pas moins qu’il arrivera très tard.
Il faut faire confiance aux députés, certes. Ils n’adopteront pas un projet de loi s’ils n’ont pas le temps de l’éplucher convenablement. Mais il est important qu’ils ne sentent pas de pression pour le faire. L’automne prochain n’est pas si loin.
Le sujet est beaucoup trop important pour précipiter quoi que ce soit.
Source :
« Le Soleil » – Jean-Marc Salvet – 19.05.22