Lundi 22 septembre
Pour cette première audience de la semaine, nous nous retrouvons dans la même grande salle que le 15 octobre pour entendre le témoignage de Denis Labayle et l’interrogatoire de Bernard Senet.
Témoignage de Denis Labayle, cité par la défense de Bernard Senet
Le docteur Denis Labayle explique connaître Bernard Senet depuis plus de vingt-cinq ans et avoir partagé avec lui un long combat pour le droit des malades à décider de leur fin de vie. Il le décrit comme un généraliste compétent, chaleureux, proche de ses patients et engagé socialement, apprécié dans sa ville pour la qualité de ses soins.
Il a rencontré Bernard Senet lors de la préparation d’un livre sur les dérives du service public hospitalier, dans lequel il abordait également la relation entre médecin de ville et hôpital. Il était intéressé par son mode de travail hybride : à la fois dans son cabinet de ville et dans l’hôpital local ; cela améliore la prise en charge des maladies, tout en étant moins rémunérateur pour le praticien.
Un combat commun
Il rappelle leur collaboration autour du manifeste de 2007, qui avait recueilli plus de 2000 signatures de soignants en faveur d’une légalisation de l’aide à mourir. Il souligne qu’ils ont souvent défendu ensemble, dans les médias et au sein d’associations, la même éthique médicale fondée sur la compassion et l’autonomie du patient.
Le Pentobarbital est-il le vrai problème ?
Concernant les accusations, il précise qu’il est reproché à Bernard Senet d’avoir importé du Pentobarbital, un sédatif puissant retiré du commerce mais utilisé dans tous les pays qui ont légiféré sur l’aide à mourir. Il relativise cette interdiction en le comparant à d’autres médicaments équivalents, comme le cocktail lytique utilisé autrefois, le Midazolam (Hypnovel) mis à disposition tardivement en 2022, ou encore le Rivotril, autorisé en pleine crise du Covid pour abréger des agonies. Selon lui, diaboliser le Pentobarbital est une hypocrisie.
Le vrai problème n’est pas la substance, mais la question éthique : un médecin a-t-il le droit d’aider un malade incurable à mourir en douceur selon son souhait ? Il rejette l’idée de « tuer », qui suppose violence, et rappelle que le serment d’Hippocrate a évolué dans l’histoire, tout comme la notion de soin, qui inclut aujourd’hui le refus de l’acharnement thérapeutique.
Il rappelle également les insuffisances de la loi Claeys-Leonetti, tant dans son application que dans le protocole de la sédation, qui rendent nécessaire une nouvelle loi. Enfin, il souligne que la société évolue : des responsables politiques, des prêtres et même une partie du corps médical reconnaissent désormais la nécessité d’une loi.
Il conclut par ces mots : « Ce que le docteur Bernard Senet et moi-même avons fait était, je le reconnais, illégal, mais c’était totalement humain. » Dans les réponses aux questions qui lui ont été posées, il confirme l’éthique partagée avec Bernard Senet : respecter la volonté des malades et ne pas les abandonner à des souffrances sans issue. C’est pourquoi l’association Le Choix, dès sa création, a développé l’accompagnement des malades.
Présentation et interrogatoire de Bernard Senet
Après le témoignage de Denis Labayle, Bernard Senet est appelé à la barre pour répondre aux questions du tribunal. Il est invité dans un premier temps à rappeler son identité et à retracer son parcours de vie personnel et professionnel.
Bernard Senet précise son âge (76 ans), sa situation familiale (marié, père de quatre enfants et grand-père de six petits-enfants). Il rappelle son parcours médical et ses engagements sociaux. Ses études de médecine à la Salpêtrière l’ont conduit à se trouver témoin impuissant de la mort de jeunes femmes à la suite d’avortements clandestins. Cela le détermine à s’engager au MLAC (Mouvement pour la Liberté de l’Avortement et de la Contraception). Encore étudiant, il est également écoutant pendant cinq ans à SOS Amitié, un réseau de prévention du suicide.
Il s’installe comme médecin de campagne à Velleron, dans le Vaucluse, tout en travaillant également à l’hôpital de L’Isle-sur-la-Sorgue. Il y initie, en 2020, la création de cinq lits de soins palliatifs et il préside la Commission médicale d’établissement de 2001 à 2010. Il est également membre actif d’un réseau de prise en charge de toxicomanes.
Engagement pour l’aide à mourir
Confronté très vite dans sa pratique médicale à des patients atteints de maladies incurables, conscient d’être impuissant pour apaiser leurs douleurs réfractaires à tout traitement, il accepte d’accéder à leur demande d’aide à mourir. Soutenu par le sénateur Henri Caillavet, il médiatise ce qui est un geste interdit par la loi, dans des émissions avec la journaliste Mireille Dumas. Il est alors très surpris de constater qu’aucun médecin ne suit son exemple et qu’ils préfèrent rester dans le « non-dit ». Il tente, au sein d’associations de médecins, d’aborder ouvertement la pratique de l’aide médicale à mourir, sans y parvenir.
C’est dans le même objectif de secouer la chape de plomb qui entoure cette question qu’il a participé à la création de l’association Le Choix – Citoyens pour une mort choisie. Il est membre actif de sa commission médicale, dont l’un des objectifs est de pénétrer le monde médical par l’information et la formation.
Position vis-à-vis des questions du tribunal
Afin de compléter le dossier d’instruction, il répondra ensuite aux nombreuses questions du tribunal en rappelant qu’il est conscient d’avoir enfreint la législation française, mais qu’il s’est toujours efforcé d’agir dans le cadre de la loi belge sur l’aide médicale à mourir.
Le Dr Senet restera deux heures debout à la barre.
Mardi 23 septembre
Audition du professeur et ancien député Jean-Louis Touraine :
Aujourd’hui, c’est le Pr Jean-Louis Touraine qui est appelé à la barre pour témoigner en faveur du Dr Bernard Senet, qu’il considère comme un médecin très humain. Il a connu Bernard Senet , du fait de sa réputation de médecin, respectueux de l’éthique médicale, bienveillant avec ses patients . Afin de de permettre à un malade d’avoir une double écoute et un double avis , il avait transmis son nom à un patient en phase très avancée d’une maladie incurable . Celui-ci souhaitait dialoguer avec quelqu’un d’expérience avant de prendre la décision d’un suicide assisté en Suisse ,
Ancien député et président de France Transplant, Jean-Louis Touraine a participé à développer une thérapie génique contre le SIDA. Il a été confronté à des fins de vie atroces de malades atteints du SIDA, avant que les trithérapies soient développées.
Il cite le cas de Sigmund Freud, atteint d’un cancer aux maxillaires très douloureux, invalidant, avec des fistules suintantes malodorantes pour lui et son entourage, et qui demande à son médecin traitant de l’aider à mourir.
Une procrastination en France qui caractérise le vote des lois sur des questions sociétales
Alors que le premier projet de loi a été déposé il y a plus de 45 ans, en 1978 par le sénateur Caillavet, la France se range maintenant dans la catégorie des « hésitants », contrairement à ses pays voisins (Belgique, Pays-Bas, Espagne).
L’opposition des politiques à l’ouverture à l’aide à mourir révèle des considérations idéologiques qui peuvent se révéler fragiles devant l’épreuve de la maladie. Ainsi, Paulette Guinchard, qui y était violemment opposée, est allée mourir en Suisse en 2021 lorsqu’elle a elle-même été atteinte d’une maladie neurodégénérative. Elle a publiquement reconnu s’être trompée, par la voix de son mari après sa mort.
Cette « procrastination » de la France vis-à-vis des lois sociétales n’est pas nouvelle. Elle a également été l’une des dernières en Europe à voter une loi autorisant l’IVG ; la relaxe des prévenues au procès de Bobigny contraignant les pouvoirs politiques à légiférer.
Son engagement pour un changement de loi
En 2017, il a déposé une proposition de loi portant sur la fin de vie dans la dignité , c’est dans ce cadre qu’il a auditionné le docteur Bernard Senet. Celui-ci partageant son approche éthique pour légaliser l’aide à mourir pour des malades , s’ils le demandent , en impasse thérapeutique d’une affection dont l’évolution est irrémédiable , subissant des souffrances réfractaires à tout traitement .
Il rappelle que, comme pour la loi sur l’IVG, la future loi prévoit une clause de conscience pour les médecins et un délit d’entrave pour prévenir l’obstruction concertée à l’application de la loi.
Le 8 avril 2021, le Pr Touraine a voté l’article 1 du projet de loi présenté par Olivier Falorni et a également approuvé, le 27 mai 2025, le texte voté en première lecture à l’Assemblée nationale. Il souhaite que le projet de loi achève son long chemin législatif pour enfin accorder ce choix aux citoyens français. Cela mettrait un terme à l’inégalité flagrante qui existe actuellement entre les Français qui ne peuvent pas aller mourir en Suisse ou en Belgique, compte tenu de leurs moyens financiers.
Comme le disait une patiente concernée, elle ne demande pas au médecin « un geste de mort mais un geste d’amour ». C’est une aspiration, en fin de vie à « une mort solidaire plutôt que solitaire ».
Après ce témoignage très complet, aucune question n’est posée au Professeur Touraine par la présidente du tribunal.
Présentation et interrogatoire de Claude Hury
C’est ensuite à Claude Hury, cofondatrice d’Ultime Liberté, dont elle a été longtemps présidente, d’être appelée à la barre. Elle va expliquer paisiblement son parcours de militante (planning familial, IVG avant la loi…). Il y a près de 30 ans, elle s’engage à l’ADMD. Elle parle de Jean Guilhot, auteur de « Mourir dans son jardin ». Après avoir quitté l’ADMD, elle va créer, avec le Dr Guilhot et son compagnon Armand Stroh, philosophe, l’association Ultime Liberté en 2009.
Pour eux, il était essentiel de respecter la liberté de choisir sa fin de vie. Elle explique la formation qu’elle a assurée pour les accompagnants, en s’inspirant au tout début du livre sur l’auto-délivrance (interdit en France d’ailleurs) et de la proposition de loi de Henri Caillavet. Elle souligne la nécessité d’être deux pour rencontrer les gens en demande d’information ou d’aide.
Claude Hury, expliquant la situation actuelle en France, s’entend répliquer par la présidente : « Le procès est en cours depuis une semaine et le tribunal est très bien informé. »
Dans ses réponses aux questions, pour Claude Hury, seule la volonté de la personne et sa capacité à comprendre doivent être prises en compte lorsqu’elle demande une aide au suicide. Elle insiste sur le sentiment d’apaisement ressenti par les personnes quand elles sont en possession du produit, qu’elles l’utilisent ou pas ! Pour elle, les vraies « dérives » ce sont les euthanasies illégales, les suicides violents et solitaires.
Bien qu’un fauteuil lui ait été proposé, elle restera près de trois heures debout pour répondre aux nombreuses questions de la présidente.
Après les interrogatoires de Bernard Senet et de Claude Hury, les auditions des jours suivants seront consacrées aux interrogatoires des autres prévenus.
Tout mon soutien au Dr Senet
Merci Bernard pour ce combat mené pour une législation plus humaine plus responsable nous laissant notre choix de fin de vie
Et surtout lutter contre cette inégalité dans le choix de fin de vie entre ceux qui peuvent aller en Belgique et les autres !
Merci Monsieur, votre commentaire a été transmis au Dr Senet
Monique
Merci Dr Senet d’avoir eu le courage d’aider vos semblables malgré l’incompréhension des hommes de loi.
Vous êtes humain et généreux et vous avez agis selon votre coeur et votre conscience.
S’il y avait plus de personnes comme vous, le monde serait meilleur, encore merci.
Madame, nous vous remercions pour votre commentaire positif qui a été transmis au Dr Senet
Face à l’intelligence, le courage et l’humanité du DOCTEUR BERNARD SENET, les politiques feront ils encore preuve de lâcheté de ne pas pas voter de loi pour permettre à tous de choisir leur fin de vie.