J. B…
83500
La Seyne sur Mer, le 04 février 2022
à Monsieur le Président Palais de l’Elysée
55 rue du Faubourg-Saint-Honoré
75008 PARIS
Monsieur le Président,
Il est une grave question que vous avez délibérément ignorée durant votre quinquennat : celle de la fin de vie. Après avoir soutenu votre candidature en mai 2017, j’ai été par la suite, et en trois occasions, particulièrement indigné par vos renoncements sur cette question. –
En septembre 2020, un homme en fin de vie, M. Alain COCQ, atteint d’un mal incurable, et souhaitant abréger ses souffrances, a écrit au Président de la République, « demandant simplement à partir dans la dignité, avec une assistance active du corps médical ». Pour toute réponse, vous vous êtes retranché derrière la loi Claeys-Leonetti pour ne rien proposer, alors que l’occasion vous était donnée, a minima, d’engager la procédure visant à faire abroger cette loi hypocrite, qui ne permet d’être aidé que lorsqu’on est quasiment mort ! Vous n’ignorez pas que M. Cocq dut se faire transporter en Suisse pour mourir par suicide assisté, après avoir dénoncé le « manque de courage politique » de M. Macron et du gouvernement « quant au refus de mettre à l’ordre du jour un projet de loi sur la fin de vie dans la dignité ».
– Mon propre cousin, atteint de plusieurs maladies au pronostic catastrophique, souhaitait, lui aussi, abréger sa vie devenue insupportable. Ne trouvant aucune solution d’ordre institutionnel, cet homme désespéré se trancha la carotide, sur son balcon, en cachette de sa famille. Cette tragédie se déroula le 15 septembre 2020, comme vous pourrez le vérifier, dans le 15è arrondissement de Paris. Par lettre du 20 septembre 2020 je vous ai exprimé ma vive émotion, et mon souhait de voir enfin ce problème essentiel pris en compte et solutionné par un travail législatif déterminé. Je n’ai, bien sûr, reçu aucune réponse à mon courrier. Ce drame parmi tant d’autres n’aura été qu’un simple fait divers sous votre quinquennat…
– Une séance parlementaire a néanmoins été consacrée à la fin de vie, le 8 avril dernier. Portant en objet l’examen de la proposition de loi présentée par M. FALORNI « donnant le droit à une fin de vie libre et choisie », cette séance pouvait laisser espérer, malgré une ambition plutôt modeste de ce texte, l’institution d’une aide active à mourir en lieu et place du « laisser mourir » de l’actuelle loi Claeys-Léonetti, et, en tout état de cause, de permettre à notre pays de n’être plus la lanterne rouge de l’Europe dans ce domaine. Las ! Cette séance s’acheva sur un échec lamentable, et d’ailleurs prévisible. Programmée par la Conférence de deux présidents désinvoltes sur une seule journée pour un sujet aussi grave, elle fut, de plus, paralysée par les 2750 amendements déposés par 10 députés, dont un de la REM, ayant visé à bloquer tout débat. Cette journée fut une honte pour notre République ! En d’autres temps, des questions sociétales de même acuité, telles que l’avortement ou la peine de mort, furent traitées avec un niveau de sérieux et de volontarisme autrement plus élevé.
J’ajoute à ces faits consternants que le projet Falorni ne se situait que dans le cadre restrictif du ressort médical, préservant le pouvoir exclusif des médecins au moment de la décision ultime. Mais dans les faits, la maladie incurable et insupportable ne constitue qu’un cas particulier de la fin de vie. Celle-ci concerne en réalité le domaine élargi de la décision que chacun peut être amené à prendre, en toute responsabilité personnelle, et sans recours obligé aux méthodes courantes de suicide d’une violence inacceptable. Est-il besoin de rappeler les principes fondamentaux de la République française ? La liberté donne à chacun, seul détenteur de sa propre vie, le droit de décider par lui-même d’y mettre un terme, quelles que soient les circonstances, et en toute sérénité. L’égalité doit mettre un terme au privilège des plus riches de se financer une fin de vie convenable à l’étranger. Enfin le principe de laïcité doit garantir l’indépendance individuelle par rapport à toute référence restrictive au domaine religieux. L’accès au produit létal bien connu, procurant une mort douce, doit donc être autorisé, dans des conditions de sécurité qu’il reste, bien sûr, à définir.
Vous comprendrez, Monsieur le Président, qu’à l’occasion des prochaines élections présidentielles, j’accorderai de préférence mon soutien au candidat le plus engagé et courageux sur cette question.
Par courtoisie, je vous informe que j’adresserai, à toutes fins utiles, une copie du présent courrier à tous mes correspondants. Veuillez agréer, Monsieur le Président, l’expression de mes respectueuses salutations.
J.B….
Copie : – Madame Emilie GUEREL, députée de la 7è circonscription du Var
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