Si le droit de mourir dans la dignité (**) a longtemps été une promesse de campagne, le chef de l’État veut lancer une convention citoyenne pour placer la question de la fin de vie au cœur du débat public.
Assisterons-nous bientôt à l’une des plus grandes réformes sociétales du second quinquennat d’Emmanuel Macron ? Sans en dévoiler les contours, le président de la République a annoncé qu’il souhaitait faire voter une loi sur la fin de vie après une large consultation citoyenne.
« Cette intuition unique que c’est le moment de faire »
Doit-on légaliser ou non l’euthanasie ? Cette question sera bientôt posée aux citoyens français. Elle dénoterait d’une aspiration collective résultant de la « tendance de nos sociétés à considérer la vieillesse comme une maladie dont on peut se soustraire par seulement deux traitements : la DHEA (déhydroépiandrostérone, réputée pour ses effets ralentissant le vieillissement) pour commencer, l’euthanasie pour en finir »,selon le philosophe Luc Ferry. Si le séjour en soins palliatifs est la dernière étape dans la vie de ces patients, la fin de vie constitue une période de grande souffrance dont le cadre législatif demeure encore flou. Pour rouvrir ce débat, Emmanuel Macron veut lancer une convention citoyenne afin de soumettre ce choix aux populations et rassembler les acteurs engagés autour des questions de légalisation de l’euthanasie.
Pour ce faire, le président a dépoussiéré le dossier épineux le 2 septembre dernier, aux côtés de Line Renaud, élevée au rang de Grand-croix de la Légion d’honneur. L’actrice de 94 ans, également marraine de l’Association pour le droit de mourir dans la dignité (ADMD), a interpellé les députés pour « voter le plus vite possible » une loi sur le droit à l’euthanasie. « Votre combat pour le droit de mourir dans la dignité vous ressemble et nous oblige. Dicté par la bonté, l’exigence et cette intuition unique que c’est le moment de faire, alors nous ferons », a réagi le chef de l’Etat auprès de l’actrice française.
Une convention citoyenne d’ici 2023 ?
« L’objectif des soins palliatifs, à l’hôpital comme à domicile, est de soulager les douleurs physiques et les autres symptômes, mais aussi de prendre en compte la souffrance psychologique, sociale et spirituelle », défend la Société Française d‘Accompagnement et de Soins Palliatifs. Mais doit-on comprendre les patients sur le point de mourir qui veulent « en finir » ? Il serait bientôt possible de donner son avis sur la question, à en croire les informations communiquées par France Info. Une large consultation devrait ainsi voir le jour d’ici 2023. Alors que la promesse électorale commence à prendre forme, l’Elysée devrait bientôt annoncer la méthode et le calendrier du projet, selon la chaîne du service public.
Un projet applaudi par Jean-Luc Romero, ancien président de l’association ADMD (l’Association pour le Droit de Mourir dans la Dignité) : « Nous avons été très heureux d’entendre le président Emmanuel Macron s’engager clairement à mettre en œuvre une loi sur le droit de mourir dans la dignité. Fort de cette annonce, j’ai été soulagé que le Président me la confirme pour 2023 » .
« Si on appliquait la loi avant de chercher à la modifier ? »
En vigueur depuis le 2 février 2016, la loi Claeys-Leonetti a ouvert un droit à la sédation profonde et continue jusqu’au décès, pour les patients en soins palliatifs. Elle succède à la loi Leonetti de 2005 et répond à un engagement fort du candidat Hollande : le droit à une « assistance médicalisée pour terminer sa vie dans la dignité ». Mais ce texte n’autorise ni l’euthanasie, ni le suicide assisté. Cette problématique a toutefois été une promesse du candidat Emmanuel Macron s’engageant à « soumettre la fin de vie à une convention citoyenne, et sur la base des conclusions de celle-ci, je soumettrai ou à la représentation nationale ou au peuple le choix d’aller au bout du chemin qui sera préconisé ».
Dans une tribune au journal Le Monde, le juriste Laurent Frémont, fondateur du collectif Tenir la main, qui milite notamment pour le droit de visite aux patients, est revenu sur le cadre juridique de la réforme, critiquant notamment « la pertinence d’un tel calendrier ».
Il précise : « Au cours des dernières décennies, le cadre juridique de la fin de vie a fait l’objet de nombreuses évolutions législatives, bien davantage que dans d’autres domaines moins sensibles du droit médico-social. La perspective de nouveaux changements législatifs laisse pour le moins dubitatif. ». Finalement, Laurent Frémont appelle à « appliquer la loi avant de chercher à la modifier ».
Pour l’heure, on ne peut pas prédire l’ouverture de nouveaux droits, même si le président du comité d’éthique, le professeur Jean-François Delfraissy, ambitionne de donner plus de droits aux malades en fin de vie, rapportent nos confrères de Libération. A savoir, une éventuelle autorisation de l’euthanasie médicalisée, sous conditions.
Dans quelques jours, le Comité consultatif national d’éthique (CCNE) va rendre son avis sur la fin de vie et l’évolution de la loi Claeys-Leonetti. Affaire à suivre…
Source :
« Psychologies Magazine » – Cécilia Ouibrahim – 08.09.22
(**) NB. du Choix et si au lieu de parler de mourir dans la dignité, nous parlions de mourir dans le respect de notre choix ?