Comment les médecins m’ont accusée d’avoir demandé l’accélération du décès de mon papa et l’ont déformé en une demande d’euthanasie passive ?
Jusqu’à mon dernier souffle, je verrais les images du corps décharné et parsemé d’escarres de mon papa privé de nourriture depuis 2 mois à attendre que son décès survienne.
Jusqu’à la fin de mes jours je me souviendrais avoir été accusée à tort d’euthanasie passive alors que c’est l’équipe médicale qui a stoppé les traitements y compris l’alimentation de mon papa.
Atteint de la maladie à corps de Lewy et Parkinson, mon papa a vécu les 4 dernières années de sa vie chez lui à son domicile prisonnier dans son corps.
Cette maladie neuro dégénérative l’a privé, à la fin de la maladie, de toute communication physique et verbale avec son entourage. Il ne pouvait quasiment plus s’exprimer ni par gestes, ni par la parole, ni par le regard ou autre mimique.
Parfois surtout au début de ces 4 dernières et difficiles années, il avait des moments de lucidité avec des bonjours, réponses par oui ou non à nos questions….
Il était nourri par sonde gastrique afin d’éviter tout problème de déglutition à part quelques moments de nourriture plaisir (sucer un peu de chocolat …)
» Mais au-delà de ces 4 années, c’est surtout sa fin de vie qui m’aura anéantie à tout jamais et que je souhaite relater »
Son état se dégradant de plus en plus, l’équipe médicale HAD, décide avec notre accord de le placer en protocole de fin de vie.
L’équipe médicale nous expliquera que les traitements liés à la maladie vont être arrêtés et ainsi que l’alimentation plus tard. Mais en aucun cas, il ne souffrira, on nous le promet. Soit, pas d’autres solutions : nous acceptons finalement ce protocole de fin de vie sans souffrance. Nous leur faisons entièrement confiance. A tort.
Pauvre papa, après avoir passé toutes ces années prisonnier de ton corps, te voilà maintenant à la merci du corps médical qui décidera de ta façon de mourir
Le départ du protocole est enclenché. Suppression des traitements relatifs à la maladie et une semaine plus tard de l’alimentation avec maintien de l’hydratation.
1 mois plus tard, tu es toujours là avec ce corps décharné ressemblant à des photos des camps de concentration et parsemés d’escarres dans tout ton corps : un trou dans la gorge, un autre sous le menton, deux petits sur les omoplates. Quant au bas de ton dos, un gouffre, plus de peau une escarre de stade 4.
Le médecin de l’HAD, (qui ne regarde pas les escarres), estime que tu ne présentes pas de symptômes d’inconfort alors que l’on ne peut pas te bouger.
Souffre-t-il ?
Mais ma question principale en dehors de ce corps décharné est de savoir si mon papa souffre physiquement et psychologiquement.
Je demande au médecin remplaçant de l’HAD de m’assurer à 100 % que mon papa ne souffre ni physiquement ni psychologiquement
Impossible d’en avoir la certitude me répond t-il !!!!!!!!!!!!!
Dans le doute, je demande alors l’augmentation des thérapeutiques afin de plonger mon papa dans un état d’inconscience pour être sûr qu’il ne souffre plus durant ces derniers mois à attendre la mort. Je pensais naïvement que mon papa pourrait bénéficier de la loi Claeys Léonetti qui impose le droit à « une sédation profonde et continue provoquant une altération de la conscience maintenue jusqu’au décès ».
Je serais alors accusée verbalement ainsi que sur le dossier médical de demander une euthanasie passive de mon papa !
Dès lors, que le mot sédation est prononcé, il était synonyme pour ce corps médical d’euthanasie passive.
L’arrêt de l’alimentation effectuée par ces médecins n’est il pas une euthanasie passive ? Non selon eux.
Sa dernière semaine
Finalement, avec la prise de photos des escarres, une réunion collégiale sera organisée presque 2 mois après la suppression de la nourriture.
Réunion collégiale qui aurait dû à priori intervenir dès l’arrêt de l’alimentation.
Il en ressortira une mise en place de la sédation. Mon papa décédera 7 jours après la mise en place de cette sédation soit 2 mois après l’arrêt des traitements et nourriture
Pourquoi cette réticence à appliquer la loi ?
Depuis le décès, je me bats pour comprendre cette réticence alors que des lois existent.
Des médecins experts m’indiqueront la loi a été respectée car la sédation a été appliquée. Certes, se posent pour eux les questions de la douleur et de l’arrêt précoce de cette alimentation. Mais un médecin expert me demandera de comprendre sa position. Que cela signifie t-il ?
Alors, à quoi servent toutes ces lois ?
– A quoi servent les directives anticipées que l’on peut rédiger pour sa fin de vie et dont les associations nous expliquent qu’il faut les rédiger pour être sûr d’avoir une fin de vie correspondant à ses volontés sans obstination déraisonnable ?
Ce que les associations, ou autres collectifs, oublient de préciser : même si ces directives sont désormais contraignantes et impérativement consultables pour le médecin, il n’en demeure que c’est lui qui décidera. De plus, écrire refuser l’acharnement thérapeutique ne correspond à rien si l’on ne détaille pas ce que représente pour nous l’acharnement thérapeutique…. Il faut le savoir aussi
A quoi sert la loi Claeys Léonetti si elle est méconnue ou difficile à comprendre pour les médecins ?
Historiquement, souffrir était normal lors de la fin de vie. Les progrès de la médecine ont permis d’allonger la durée de la vie. Le décès serait il perçu comme un échec pour un médecin ?
La formation de ces médecins n’inclut t’elle pas une unité de médecins spécialisés dans les soins palliatifs …Y a-t-il un manque de formation dans les facultés de médecine sur la fin de vie.
Avec les progrès de la médecine où se situe la limite de l’obstination déraisonnable, de la dignité ?
Vaste sujet de réflexion.
Quant à la souffrance, vaste sujet également surtout dans les cas de patients ne pouvant s’exprimer
Pire, étant donné que la décision finale appartient au médecin, le patient devra se conformer à sa décision et adhérer à l’éthique du médecin, à sa peur de voir son geste de sédation transformé en euthanasie et condamnable. Car, certains médecins, ont la crainte d’être condamné. La loi est elle trop floue ?
Ce manque de discernement sur la fin de vie, cette peur de la justice, cette toute puissance médicale pour certains médecins provoquent irrémédiablement la question de vouloir choisir sa fin de vie. Simplement pour mourir sans souffrance
Comment encore en France au XXI siècle peut-on encore mourir dans ces conditions là ?
En laissant un patient sans pouvoir identifier sa douleur à sa vraie valeur avec des escarres de stade 4 sans nourriture depuis 2 mois à attendre que mort survienne naturellement ?
Et de surcroît comment peut-on accuser une famille d’avoir demandé une euthanasie (alors que c’est une sédation) au lieu de l’accompagner dans cette tragédie ?
La loi, la médecine, la peur de la justice prévaut sur le respect de la volonté du patient.
Mourir sans souffrance est il contraire à la fin de vie ?
Alors par peur de la souffrance lors de notre dernier souffle de vie, devons-nous tous demander l’euthanasie être sûr de ne pas souffrir ? Que feront les personnes ne désirant pas accéder à une demande d’euthanasie ?
Vaste sujet de réflexion ?
Pour ma part, mon choix se porte vers le libre choix pour chacun d’entre nous de choisir sa fin de vie.
Isabelle Daillon