La fin de vie choisie est un combat que je livre depuis très longtemps, d’abord au Canada, d’où je suis originaire, puis en France, où je vis depuis maintenant plus de vingt ans. Je pense, au risque d’en choquer certains, que le suicide est la plus belle mort qui soit.
Puisque nous devons tous mourir, ne vaut-il pas mieux pouvoir nous y préparer, y préparer nos proches, choisir le moment où les souffrances physiques ou morales sont devenues insupportables et qu’il est temps d’y mettre fin, et mourir entourés de ceux que l’on aime et pas au hasard d’un corps qui flanche, une nuit, à l’hôpital, dans la plus grande solitude ? Ne serait-il pas normal que nous puissions être aidés à mourir par les médecins, et ils sont très nombreux, qui reconnaissent qu’il y a une limite à l’aide qu’ils peuvent apporter aux malades dont ils ont la charge ?
Il y a une douzaine d’années, j’ai fait la connaissance d’Anne Bert lors d’un salon du livre à Évian. Nous sommes vite devenues amies. Je n’oublierai jamais le jour où elle m’a annoncé qu’elle était atteinte de la maladie de Charcot, cette saloperie – passez-moi le mot – de maladie qui allait l’emprisonner dans son corps tandis qu’elle garderait une complète conscience sans plus pouvoir communiquer avec son entourage.
J’ai longuement réfléchi à ce que je pourrais faire pour lui montrer mon amitié et ma solidarité.J’ai décidé de créer une pétition pour demander qu’une loi soit enfin votée en France pour que nous puissions, en cas de maladie grave et incurable, lorsque celle-ci est devenue insupportable, obtenir une aide pour mettre fin à nos souffrances. Cette pétition a rapidement recueilli plus de 100.000 signatures et change.org m’a proposé de la jumeler à celle de Nathalie Debernardi qui, elle aussi, progressait rapidement. J’ai bien évidemment accepté.
Quelque temps plus tard, nous avons toutes les deux été auditionnées par le Conseil économique, social et environnemental (CESE), qui a voté en faveur d’une loi telle que nous la demandions. Quelque temps plus tard, lors de la révision des lois de bioéthique, on nous a informées que seuls les représentants d’entités officielles seraient auditionnés. En clair, peu importe que nos pétitions approchent des 300.000 signatures, comme nous ne représentions pas officiellement les signataires, nous ne pourrions pas être entendues. Nous avons donc pris la décision de créer l’association Le Choix – Citoyens pour une mort choisie, avec l’aide d’Annie Babu et Pierrette Aufière. La création de l’association, du site internet, puis la gestion du Choix au quotidien et notamment la réponse aux très nombreux mails d’appel à l’aide que nous recevions chaque jour m’ont demandé une telle énergie que je me suis écroulée le soir du premier anniversaire de l’association que nous célébrions à Toulouse.
C’est le cœur brisé que j’ai dû rendre mon tablier. Le sentiment d’abandonner mon ‘bébé’ et la crainte que personne ne puisse me succéderm’ont beaucoup affectée. Mais heureusement, le relais a été pris par les autres membres fondateurs et l’association a continué de progresser.Je suis vraiment heureuse de constater que la nouvelle équipe, dont Denis Labayle et Nathalie Andrews sont les Coprésidents, fait un formidable travail.
Il y a quelques mois, c’est avec beaucoup de fierté que j’ai accepté la présidence du Comité d’honneur, à mes yeux un trait d’union entre les membres fondateurs de l’association et la nouvelle équipe. C’est pour moi l’occasion de continuer de me battre pour que les Français soient entendus et que la loi légalisant l’aide active à mourir soit enfin votée !
Marie Godard
Juillet 2021