Il s’appelle Michel, il a bientôt 75 ans, il est en pleine forme.
À la suite d’un bilan de routine, on lui diagnostique un diabète de type 2 en juin 2024 : l’endocrinologue lui impose régime et traitement qu’il supporte mal. Il maigrit, se plaint de douleurs abdominales mais la spécialiste confirme durant plusieurs mois que c’est normal. Durant l’été 2024, son médecin traitant ne prend pas le temps d’une consultation approfondie. Et il consulte un généraliste avec un DU de diabétologie qui, après avoir tenté d’autres traitements, demandera un scanner devant la persistance des symptômes. Début mars 2025, le diagnostic de cancer du pancréas tombe : mal situé, déjà développé (6 cm), inopérable. L’équipe spécialisée du CHA lui propose sans promesse de guérison une chimiothérapie. Afin de lui « redonner des forces », il est nourri par sonde nasale à domicile 3 heures par jour. Il suit 4 séances de chimio, tous les 14 jours et rédige dans la foulée ses directives anticipées en informant sa famille et en nommant deux personnes de confiance parmi ses amis proches.
Les effets secondaires de la chimio et son absence d’efficacité justifient son interruption. Alors qu’il a bien spécifié son refus de tout acharnement thérapeutique et sa volonté de mourir à domicile, il est obligé d’accepter une hospitalisation pour choc septique. Stabilisé sous antibios, il reste en observation une semaine avant de regagner sa maison. Il y est pris en charge par une équipe d’infirmiers libéraux sous l’autorité de la structure d’HAD ; toute modification de traitement doit être confirmée par la coordinatrice qui en réfère au médecin d’astreinte dont le numéro est secret. Le médecin traitant est écarté de toute capacité de prescription.
Michel revient avec une association Morphine/Midazolam à doses homéopathiques sans hydratation ; sa volonté d’arrêt de tout traitement est respectée mais la sédation « terminale » est insuffisante. Il va rester conscient plus de 30h. L’infirmière doit régulièrement négocier une augmentation des doses (Hypnovel de 0,3 à 0,5 mg/h !) en passant par le filtre de la coordinatrice. Une fois la sédation obtenue il faut faire face à l’encombrement bronchique non prévu par l’HAD, hormis une scopolamine transcutanée bien insuffisante. Même si le patient ne semble pas souffrir son ronflement est difficile à supporter pour l’entourage et l’infirmière doit l’aspirer régulièrement.
La prescription de Scopolamine injectable n’est pas effectuée. L’œdème déclive s’installe ainsi que l’ascite et le médecin d’astreinte prescrit du Lasilix qui est livré avec les délais de route de l’HAD, alors que toute pharmacie de ville en a en stock. La tension du patient avait commencé à chuter et il est décédé dans la nuit après 40 heures d’attente de son entourage. Un médecin de ville a pu établir le certificat de décès dans la matinée permettant d’engager les procédures de maintien du corps à domicile, ce que Michel souhaitait. Avec la canicule il faut éviter d’attendre ; l’HAD n’avait pas donné de délai pour ce document très attendu par les pompes funèbres et l’état civil.
La sédation aura duré longtemps, trop longtemps, d’abord pour Michel qui insistait pour être endormi, puis pour sa famille qui lui avait dit au revoir dès son retour. L’infirmière libérale a assuré une présence exceptionnelle en disponibilité et en compétence malgré la tutelle à laquelle elle devait se plier. La coordinatrice lui a même recommandé de ne plus écouter le médecin ami présent en lui imposant de rester un simple ami.
Même si sa volonté de mourir à domicile et d’y célébrer ses obsèques a été respectée, certains moments auraient pu mieux se dérouler, et certainement plus rapidement. C’est l’objet de mon témoignage.
Velleron, le 15 juillet 2025
Bernard Senet