Depuis son poignant témoignage en commission parlementaire il y a près d’un an, Sandra Demontigny dit avoir senti sa maladie progresser. Elle a des trous de mémoire, elle se répète.
À 42 ans, celle qui est atteinte d’une forme précoce et héréditaire d’Alzheimer réclame une modification à la loi pour pouvoir formuler une demande anticipée afin de recevoir l’aide médicale à mourir (AMM).
Elle estime que Québec a désormais tous les outils en main pour déposer un projet de loi, et a du mal à comprendre pourquoi ce n’est pas déjà fait. Le gouvernement Legault assure qu’il le fera «en temps et lieu».
«C’est sûr que c’est costaud, mais à partir du moment qu’on fait l’étape 1, l’étape 2 et l’étape 3, (…) je ne pense pas que ce soit le temps d’appuyer sur les freins et de rester là», déplore-t-elle en entrevue.
À quelques semaines de la fin de la législature, le ministre de la Santé, Christian Dubé, en est toujours à analyser le rapport unanime qui lui a été remis le 8 décembre dernier, selon ce qu’a appris La Presse Canadienne.
Le ministre Dubé pilote également à l’heure actuelle trois projets de loi, ainsi qu’un plan de refondation du système de santé pour lequel on lui a octroyé 5,2 milliards $ dans le dernier budget.
«Est-ce qu’il faut que ce soit absolument le ministre de la Santé?» s’interroge Sandra Demontigny, qui exhorte le gouvernement à continuer de faire preuve de «courage politique» et à trouver des solutions.
Parce que le temps file, non seulement pour elle, mais pour tous ceux qui reçoivent un diagnostic d’Alzheimer et qui ne veulent pas se rendre jusqu’à la déchéance avancée.
«Mon père qui marchait à quatre pattes à terre, qui léchait le plancher, qui pouvait danser la gigue pendant cinq heures en ligne en turlutant, (…) ça ne me tente pas», illustre Mme Demontigny.
La Lévisienne, mère de trois enfants, et grand-mère depuis le 24 octobre dernier, souhaite idéalement pouvoir signer une demande anticipée d’AMM, qui serait exécutoire.
Pour l’instant, au Québec, il faut être apte à consentir au moment d’obtenir l’AMM, sauf exception. Ceux qui ont perdu leur aptitude à consentir en raison d’un trouble neurocognitif ne sont pas admissibles à l’AMM.
«Ce que j’aimerais, ça serait (…) d’être l’été, chez nous, dans ma cour, sur le bord de la rivière, avec mes proches, mes deux minous, de la musique que j’aime, (…) un petit verre de rosé.
«Puis après ça, au moment où je me sens prête, je pars avec les gens que j’aime et qui ont marqué ma vie, (…) plutôt que de partir (…) couchée sur le côté gauche dans mon lit sans parler et en grognant.
«Je trouve que le choc est moins raide pour tout le monde», confie Mme Demontigny.
D’ici là, elle compte bien profiter de son temps avec son petit-fils Ezra, «un beau cadeau de la vie» qui «tombe juste à point».
«Je suis vraiment contente de pouvoir passer du temps avec (ma fille) et avec lui. C’est vraiment très précieux.»
Source :
« Le Soleil » – 26.03.22