Analyse
Méthode de gouvernance, logistique, enjeux… Les contours de la concertation citoyenne sur la fin de vie ont enfin été dévoilés jeudi 29 septembre. Sans lever tous les doutes des opposants à l’euthanasie.
Les travaux des 150 membres de la future Convention citoyenne sur la fin de vie débuteront le 9 décembre.
« Le cadre de l’accompagnement de la fin de vie est-il adapté aux différentes situations individuelles rencontrées ou d’éventuels changements devraient-ils être introduits ? » Voilà la question à laquelle devront répondre les membres de la Convention citoyenne sur la fin de vie, dont les travaux débuteront le 9 décembre.
Les modalités de l’exercice démocratique souhaité par Emmanuel Macron sur le sujet ont été dévoilées, jeudi 29 septembre, par le Comité économique, social et environnemental (Cese), qui pilotera et abritera les débats. C’est à partir des conclusions de cette convention que le gouvernement décidera – ou non – de changer la loi actuelle, dite Claeys-Leonetti, en légalisant – ou non – une « aide active à mourir ».
150 citoyens tirés au sort et des écueils à éviter
Au sein du Cese, un comité de gouvernance composé de 14 membres sera chargé d’organiser et d’assurer le bon déroulement du dispositif. Parmi eux, le président du Conseil consultatif national d’éthique, Jean-François Delfraissy, la philosophe Cynthia Fleury ou la présidente du centre national sur la fin de vie et les soins palliatifs (CNFVSP), Giovanna Marsico.
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Surtout, 150 citoyens seront tirés au sort « dans une quinzaine de jours », précise Claire Thaury, membre du Cese et présidente de ce comité de gouvernance. Le panachage sera fait selon des critères de genre, de géographie, de catégorie socioprofessionnelle, de niveau de diplôme. Le panel ainsi constitué, dont les membres percevront une indemnisation, se réunira les vendredis, samedis et dimanches, jusqu’à la fin des travaux fixés au 19 mars 2023.
Mais quelle légitimité ces citoyens auront-ils pour traiter un sujet aussi sensible ? Quelles sont leurs connaissances sur la question ? « La montée en compétences des citoyens passera par des éléments de formation et d’information », détaille Giovanna Marsico.
Sous quelle forme ? « De la documentation, des auditions. L’appropriation des choses sera la première phase indispensable des débats. D’ici à décembre, nous avons le temps de préciser la méthode », poursuit la juriste, convaincue que les débats pourront être pluriels et non acquis d’avance.
Une question qui fâche certains
Lors de la Convention citoyenne sur le climat, en 2019, « nous avions déjà assisté à cette montée en compétences du panel citoyen entre le début et la fin des travaux », assure Kenza Occansey, membre du Cese et du comité de gouvernance. Pour éviter, néanmoins, de répéter les écueils rencontrés lors de la Convention climat (un manque de clarté sur le devenir des propositions avait notamment créé des frustrations), deux anciens participants de cette convention ont intégré le comité de gouvernance pour jouer les vigies.
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« Si le débat sur la fin de vie est délicat, c’est parce qu’il concerne l’intime, donc ne peut être traité de manière totalement rationnelle. Mais il touche aussi à notre vision de la société, donc ne peut pas non plus être abordé de manière uniquement affective. C’est cet équilibre que nous devrons trouver », décrit Claire Thoury, consciente des précautions à prendre.
L’intime contre le collectif. C’est bien cette confrontation qui gêne particulièrement les opposants à l’aide à mourir, dans la formulation de la question qui sera posée aux membres de la convention. Demander si le cadre actuel est « adapté aux différentes situations individuelles rencontrées » est une « approche purement individuelle, alors que la réflexion a une dimension collective cruciale », s’agace l’avocat Erwan Le Morhedec, auteur du livre Fin de vie en République (1). Si la loi évolue pour répondre à ces cas individuels, « quel impact, quels risques sur les autres patients, les soignants ? »
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« Moi, elle me rassure, cette question, commente Jonathan Denis, le président de l’Association pour le droit de mourir dans la dignité (ADMD). D’abord parce qu’elle n’est pas binaire, pour ou contre l’euthanasie ; ensuite parce qu’elle est large et va donc permettre de dresser un état des lieux des soins palliatifs et de ces patients qui, effectivement, sont pris dans un vide juridique avec la loi actuelle, parce qu’ils ne sont pas condamnés à court terme. »
Raison de plus pour y voir une « question piège », rétorque la philosophe Agata Zielinski. « Aucune loi ne pourra jamais répondre à des situations d’exception. » En attendant le lancement effectif des travaux, la prochaine réunion du comité de gouvernance est prévue la semaine prochaine.
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Une convention citoyenne, mais pas que…
En parallèle à l’échantillon tiré au sort, d’autres cellules de réflexion ont été ou seront constituées dans les prochaines semaines :
Agnès Firmin Le Bodo, ministre déléguée chargée de l’organisation territoriale et des professions de santé orchestre les concertations avec les « parties prenantes » : soignants, associations d’usagers, de patients ou associations militantes. Elle a aussi reçu des responsables religieux dont des évêques de France, le 26 septembre.
Le Comité consultatif national d’éthique prévoit lui d’organiser des débats, tables rondes, rencontres publiques, en régions, dans des écoles ou des Ehpad.
(1) « Fin de vie en République – Avant d’éteindre la lumière », éditions du Cerf, janvier 2022
Source :
« La Croix » – Alce Le Dréau – 29.09.22